C’est probablement l’un des mots les plus en vogue du moment : le métavers fascine et intrigue, mais il pose surtout de nombreuses questions d’ordre réglementaires notamment. Souvent assimilé à une nouvelle version d’Internet, c’est toutefois encore un concept qui mêle nouvelles technologies (blockchain, NFT, crypto, etc.), réalité virtuelle et réalité augmentée. Il est donc encore difficile de donner une définition précise, mais tant les enjeux du métavers que des cas d’application se dégagent, comme l’immobilier notamment. Des premiers univers attirent déjà des milliers d’utilisateurs. Bienvenu dans un nouveau monde !
Que signifie le Métavers ?
Le terme « Métavers » est né, comme dit précédemment, avec le roman « Snow Crash » de Neal Stephenson. Il s’agit de la contraction de deux termes, « Meta » et « Universe », autrement dit monde virtuel. En résumé, le Métavers désigne un monde virtuel dans lequel vous pouvez plonger, et même interagir avec différentes personnes ou institutions.
Bien entendu, vous serez représenté dans ce monde par un avatar (personnage virtuel) qui imitera vos gestes, vos mimiques voire votre langage corporel. Cet avatar pourra donc vous ressembler. Il pourra aussi prendre l’apparence de votre choix dans certaines hypothèses (jeux vidéo, déguisement…). En d’autres termes, vous pourrez vous adapter à n’importe quelle situation : du monde professionnel aux jeux vidéo en passant par la découverte de nouveaux sports, il sera très facile de vous adapter.
Le potentiel du Métavers
C’est encore un concept naissant. Il est difficile de donner une définition précise, tant les enjeux du métavers sont variés. Si l’on cerne assez facilement le fait qu’il constitue un monde virtuel, en revanche, de nombreuses questions se posent quant aux possibles utilisations de ce dernier. Mêlant réalité virtuelle, propriété, transaction… les possibilités sont nombreuses et il est encore difficile de toutes les envisager. On peut néanmoins en citer quelques-unes.
Dans la vie de tous les jours, le métavers offrirait la possibilité à des millions de personnes à travers le monde d’interagir et de sociabiliser d’une façon jusqu’ici inconnue. Ainsi, à l’inverse des réseaux sociaux déjà existant, il ne s’agit plus de se contenter d’envoyer des messages ou des photos. Il serait alors possible de se réunir virtuellement ou dans un lieu recréé de votre choix afin de discuter de vive voix et d’interagir avec d’autres personnes.
Au-delà du simple aspect social, le métavers offre la possibilité de vivre d’incroyables expériences artistiques, culturelles ou encore éducatives par exemple. À titre d’exemple, le chanteur Justin Bieber a annoncé qu’il animerait une performance virtuelle sur la plateforme Wave.
Du e-commerce au v-commerce
Le métavers est aussi l’occasion de développer le commerce. Il sera désormais possible de vendre des objets physiques mais aussi digitaux à travers le monde. La notion de propriété va donc se retrouver dans ce monde virtuel. On parle de posséder des terres mais aussi des biens virtuels (comme cela est déjà le cas sur Decentraland ou The Sandbox par exemple). Le but est donc d’accroître le nombre d’échanges commerciaux et de faciliter la vie des entreprises. Le tout en faisant appel aux technologies déjà en développement tels que les NFT ou les cryptomonnaies. Coca-Cola a par exemple déjà décide de franchir le pas. La marque vend par le biais d’une de ces plates-formes certains produits dérivés que l’on pourra retrouver dans le métavers.
Le métavers soulève également la question des échanges commerciaux. Le v-commerce, présenté comme le successeur du e-commerce, est tout simplement la transposition du commerce électronique dans un univers augmenté. En effet, si le e-commerce a implosé avec la pandémie du Covid-19, ce dernier présente un défaut de taille. C’est l’impossibilité pour le client de se faire une idée réelle du produit (texture au toucher, volume global dans une pièce, couleur réelle, etc.). La réalité virtuelle est donc sensée permettre au client de pallier ce problème et ainsi lui donner une image fidèle de l’objet envisagé. Et ce, autrement que par le biais d’avis ou de photos parfois bien trompeuses. Le client pourra alors acheter le bien de son choix, qu’il soit virtuel ou réel en passant par le biais du métavers. Ce dernier va donc permettre une véritable révolution de notre manière d’appréhender et d’envisager le commerce.
Education et soins
Un des enjeux du métavers aurait aussi pour finalité d’améliorer les soins médicaux en mettant l’accent sur des téléconsultations toujours plus réalistes. Cela représenterait donc une véritable avancée pour les personnes à mobilité réduite ou les personnes habitant dans des zones reculées où les établissements de soin sont souvent éloignés ou peu accessibles.
Enfin, le Métavers pourrait permettre de faciliter l’accès à l’éducation, tout en la rendant toujours plus immersive. On pourrait offrir à tous la possibilité de se former dans un monde virtuel en conservant une interaction sociale qui constitue le cœur même de la vie de l’être humain. De plus, le métavers est aussi la solution pour améliorer nos formations. Bon nombre d’entre elles restent actuellement souvent très théoriques. Lorsque des expériences dans le monde du travail sont proposées, celles-ci restent parfois encore trop loin des conditions réelles. Ce problème pourrait être résolu par le métavers puisque l’on pourrait mettre en place des situations pratiques dans un monde immersif. À titre d’exemples, les futurs chirurgiens pourraient s’entrainer à faire différentes opérations en bénéficiant de l’immersion proposée par le métavers.
L’état actuel du Métavers
Le phénomène du métavers est en partie dû à l’essor de la blockchain. En effet, dans ce monde virtuel, les utilisateurs seront amenés à posséder des biens, des terres, des œuvres d’art et bien d’autres choses encore. Or, pour ce faire, il sera nécessaire d’avoir recours à de l’argent virtuel et des titres de propriété. Ainsi, cryptomonnaies et NFT apparaissent comme étant la solution, et plus largement tout ou partie de ce qu’on appelle déjà le Web3.
Les premières représentent de véritables moyens de paiement qui peuvent être utilisés dans ces mondes virtuels comme l’euro serait utilisé dans une boutique par exemple. Les NFT, ou « non-fungible tokens », correspondent quant à eux à un bien ou à une œuvre bien précise. On reconnaît là la possibilité de désigner un bien et de conférer un droit sur ce bien au propriétaire du NFT correspondant. Si on comprend donc que ces deux technologies sont étroitement liées et trouvent parfaitement leur place au sein d’un Métavers, il convient de souligner qu’elles reposent toute deux sur la blockchain.
Cette dernière permet d’assurer une certaine sécurité dans les transactions et dans le stockage de données, rendant ainsi possibles les transactions de cryptomonnaies et les échanges de NFT par exemple. Métavers et blockchain sont donc véritablement liés, et cela, d’autant plus que cette dernière établie une véritable passerelle entre le monde réel et le monde virtuel, rendant possible la numérisation d’actifs. À titre d’exemple, Nike a récemment déposé un certain nombre de brevets pour adresser les enjeux du métavers afin de matérialiser certaines de ses sneakers sous forme de NFT.
C’est donc en toute logique que les plus importants projets de Métavers reposent à l’heure actuelle, sur la blockchain.
Parmi ces projets très importants, on peut citer Decentraland, véritable monde virtuel construit autour de la blockchain. Dans ce dernier, les joueurs peuvent acheter par le biais de crypto monnaies (MANA) des parcelles de terrain propres à ce monde virtuel afin d’en devenir les propriétaires. Les jetons MANA peuvent même permettre d’acheter des biens et services auprès de la plateforme, afin de les retrouver dans le monde virtuel.
Un autre exemple de métavers : la startup The Sandbox. Ce dernier est un monde virtuel dans lequel les utilisateurs peuvent, en achetant des emplacements, créer des jeux et les monétiser tout comme un commerçant pourrait le faire en ouvrant sa boutique. Là encore, il est important de signaler que le projet repose sur la blockchain Ethereum ainsi que sur les cryptomonnaies (The Sand ici) et les NFT.
Si tous ces projets sont donc, à l’heure actuelle, essentiellement tournés vers le divertissement, et n’offrent pour leur utilisateur qu’une immersion assez limitée, il ne fait aucun doute que cela a vocation à évoluer.
L’avenir et les enjeux du métavers
Si de grands projets de Métavers existent donc déjà, la pandémie du Covid-19 n’a fait qu’accélérer ce processus. La nécessité de pouvoir communiquer et discuter à distance, faisant plus que jamais son apparition, les géants que sont Amazon, Facebook ou encore Microsoft ont décidé, plus que jamais, d’investir dans le domaine des Métavers.
Facebook à travers Mark Zuckerberg a ainsi annoncé son changement de nom en « Meta », traduisant la volonté du groupe de muter vers un projet représentant sa vision du Métavers. Ce dernier ouvre d’ores et déjà de nombreuses possibilités avec la création de différents mondes virtuels. On peut par exemple citer l’arrivée d’Horizon Workroom, le nouvel outil de Facebook qui propose une meilleure immersion. Utilisé avec le casque Oculus, il s’adresse à des professionnels souhaitant concilier la flexibilité du télétravail avec la nécessité de conserver des interactions sociales. Avec l’arrivée de ces géants sur ce marché, on peut se questionner sur l’avenir des mondes virtuels déjà existants et leur viabilité sur le long terme.
Les enjeux du métavers offrent donc de nombreuses possibilités, et même s’il est pour l’instant plus centré sur le divertissement comme en témoigne les projets Decentraland ou The Sandbox, la pandémie du Covid-19 a permis de prendre conscience des enjeux en matière de télétravail ou de relations humaines et commerciales, dès lors le métavers est donc promis à de belles années.
Les enjeux du métavers pour l’avenir
Les enjeux technologiques
Pour pouvoir réaliser ce projet, il est encore nécessaire d’améliorer nos différentes technologies. Le Métavers soulève en effet de nombreuses questions :
- Comment pourrions-nous nous déplacer dans ce monde virtuel ? Grâce à des tapis pouvant simuler un sol en mouvement comme dans le film « Ready Player One » de Steven Spielberg ?
- Comment nos interactions sociales pourraient-elles être matérialisées de la manière la plus précise possible ?
À ce jour de nombreuses technologies permettent d’ores et déjà de nous plonger dans un monde virtuel. On peut citer à ce titre les différents casques de réalité virtuelle qui nous permettent de nous détacher du monde réel, pour nous plonger, visuellement, dans un autre lieu. Si ces derniers sont encore très lourds, les appareils à venir auraient pour objectif d’avoir la taille de masque de skis ce qui en réduirait grandement le poids.
Toutefois, les casques ne sont pas les seuls éléments importants et certaines combinaisons, couvertes de capteurs, permettent de simuler certaines sensations nécessaires à une immersion totale. Ces combinaisons nécessitent néanmoins d’être perfectionnées puisque les sensations transmises ne sont parfois pas similaires à celles de la réalité et le temps de calcul pour pouvoir les générer reste important.
Enfin, reste la problématique de l’infrastructure informatique. À l’heure actuelle, et même si de nombreux jeux vidéo ou plateformes offrent la possibilité à des milliers d’utilisateurs de se connecter en même temps, il reste, toutefois, à ce jour, presque impossible d’envisager que des milliards de personnes puissent interagir de manière simultanée sur une même plateforme, représentant un monde virtuel.
Le Métavers est donc promis à de belles années mais le Métavers tel que l’on peut l’imaginer dans le film de Steven Spielberg ou dans le livre de Neal Stephenson mettre encore plusieurs années à apparaitre.
La règlementation du Métavers
On reproche souvent à la législation de freiner le développement des nouvelles technologies. La loi a par ailleurs souvent du retard sur la pratique, en témoigne l’apparition des crypto-actifs et leurs réglementations souvent tardives.
Le métavers mettra encore de nombreuses années à se mettre réellement en place au cœur de notre société. Il est donc temps de réfléchir à une manière de le réglementer. En effet, si ce dernier constitue un monde virtuel, une alternative à notre monde, il n’en reste pas moins qu’il ne faudrait pas que des délits y soient commis et le simple contrat conclu entre le créateur et l’utilisateur du Métavers peut paraître insuffisant pour protéger ce dernier de possibles infractions. On est donc à la frontière entre d’un côté droits et protection de l’utilisateur et de l’autre, conditions générales d’utilisation fixées par l’éditeur. Les enjeux du métavers soulèvent donc de nombreuses questions d’un point de vue juridique et il est grand temps de combler ce quasi-vide juridique.
Parmi les possibles infractions auxquelles on peut penser de prime abord, on trouve normalement la question des piratages ou des usurpations d’identité au sein du Métavers. L’avatar constitue effectivement un véritable masque et complexifie l’identification d’une personne. Les entreprises prévoient de faire appel à un système de reconnaissance faciale mais surtout à un casque qui scannerait le visage de la personne en temps réel pour pallier ce problème. L’image projetée dans le monde virtuel serait alors l’image conforme de celle retranscrite dans le monde virtuel et cela devrait limiter les risques.
Toutefois, dans l’hypothèse où une usurpation d’identité venait à se produire, il faut s’interroger sur les solutions juridiques envisageables. À ce titre, il y a fort à parier que les solutions soient les mêmes que celles appliquées dans le monde réel puisqu’en vertu de l’adage « ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus », là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer. Le monde virtuel n’est pas, à quelques exceptions près, si différent de celui dans lequel nous vivons, il n’est qu’une alternative, un reflet possible comme peut l’être notre avatar. Le droit pourrait donc s’inspirer de ce raisonnement et reporter les règles existantes dans notre monde pour les appliquer à ce monde virtuel.
En ce sens, il convient de relever que la problématique des infractions dans ces mondes virtuels a pu être traitée, pour la première fois, en matière de vols par la Cour Suprême Néerlandaise. Cette dernière avait eu à connaître en 2007 d’un vol d’objet sur un jeu, les responsables ayant menacé à l’arme blanche la victime dans le monde réel. La Cour Néerlandaise a considéré que les objets virtuels étaient effectivement des biens susceptibles d’être volés au sens du Code Pénal Néerlandais et a donc appliqué les sanctions prévues à cet effet. La Cour a donc ici fait le choix de transposer ses règles à un cas d’espèce mettant en jeu des éléments virtuels.
Cet exemple d’approche des infractions commises dans les mondes virtuels semble donc viable en ce que les infractions réalisées dans le monde virtuel et dans le monde réel sont, comme dit précédemment, en général similaires (vols, usurpation d’identité, violences verbales…). Certains professionnels du droit comme Caroline Laverdet considère d’ailleurs que le droit s’applique : « Ce n’est pas parce que l’on est dans un monde virtuel que le droit ne s’applique pas ».
Le législateur devra toutefois être prêt à agir et à adapter les normes en vigueur, mais la question est alors de savoir qui devra poser les règles de ce nouveau monde virtuel, qui en sera le législateur ? Les pays ne disposent pas des mêmes règles à travers le monde et il serait fort souhaitable, eu égard aux ambitions des enjeux du métavers, qu’une harmonisation des règles puisse être envisagée en matière de métavers.