Avec la directive CSRD, les entreprises européennes doivent désormais documenter leurs engagements ESG avec des données précises et sourcées. Ce virage vers un reporting vérifiable fait apparaître un outil technique inattendu : la blockchain CSRD. Déjà utilisée dans d’autres secteurs pour garantir l’intégrité des données, elle pourrait devenir un pilier discret mais essentiel des chaînes de confiance formées par la régulation. À condition d’en maîtriser les usages… et les limites.
Le choc réglementaire : ce que la CSRD change pour de vrai
La directive CSRD impose, dès le 1er janvier 2024, aux grandes entreprises européennes de publier un reporting ESG avec la précision d’un compte financier. Ce n’est plus un discours, mais un devoir de preuve.
Les normes ESRS exigent des centaines d’indicateurs, chacun accompagné d’une méthodologie, d’un périmètre, de sources et, enfin, d’une assurance.
La conséquence ? Chaque donnée ESG doit être traçable, historique et vérifiable jusqu’à sa source. Et beaucoup d’organisations se rendent compte qu’elles n’ont tout simplement pas les outils pour ça.
Les failles du système actuel : pourquoi les entreprises ne sont pas prêtes
Sur le papier, les entreprises connaissent les exigences CSRD. Dans la pratique, elles butent souvent sur un manque d’infrastructure de preuve.
En pratique, les entreprises peinent donc à prouver leurs chiffres.
La plupart s’appuient encore sur des fichiers Excel échangés par e-mail et des ERP fragmentés. Le scope 3 (émissions indirectes liées aux fournisseurs) est particulièrement complexe : comment prouver les émissions d’un fournisseur éloigné qui ne produit pas de reporting ?
Conséquence : un trou dans la chaîne, une difficulté à vérifier l’origine d’une donnée, et l’auditeur pointe ces incohérences. Ce n’est pas une mauvaise foi : c’est l’absence de système de confiance distribué pour relier tous ces éléments.

La blockchain CSRD comme technologie de confiance
La blockchain CSRD, ce n’est pas un gadget ni un support aux crypto‑adeptes. C’est un registre distribué, organisé en blocs horodatés, signés et incrustés de façon immuable.
Concrètement, chaque acteur d’une chaîne ESG (fournisseur, filiale, transporteur) peut consigner ses données dans ce registre. Le donneur d’ordre, l’auditeur : tous peuvent vérifier la provenance, la date et l’auteur, sans reconstituer manuellement une archive.
Ce qui change ? La preuve devient native à l’enregistrement. Avec les smart contracts, des règles automatiques s’appliquent dès qu’un seuil ESG est atteint, ou qu’un indicateur manque. Fini l’audit manuel : on passe à un contrôle automatisé, traçable et distribué.
Ce n’est pas la solution miracle. Mais c’est une infrastructure de confiance pensée pour un reporting vérifiable, en phase avec les exigences du reporting CSRD.
Premiers usages de la blockchain CSRD : ce qui fonctionne déjà
On ne parle pas inutilement : les premiers projets voient le jour.
- Dans la logistique, des plateformes blockchain certifient les émissions des transporteurs, étape par étape ;
- Dans le textile, des registres distribués tracent la circularité des matériaux recyclés ;
- Infogreffe, client que nous avons accompagné, utilise une blockchain pour les registres de mouvements de titres. Chaque transaction entre actionnaires y est horodatée et signée, assurant l’intégrité du registre et offrant une transparence totale pour les autorités et auditeurs — exactement ce que requiert la CSRD.
Ce sont des projets encore émergents, mais le constat est partagé : la technologie fonctionne. Elle s’intègre aux systèmes existants, minimise les vérifications manuelles. Et à mesure que fournisseurs, filiales et auditeurs se connectent au réseau, la confiance devient collective, et mesurable.
Limites, zones grises et conditions de réussite
La blockchain CSRD a du potentiel, à condition de composer avec certains défis :
- Publique = transparente
- Privée = sécurisée, mais fermée
- Permissionnée = le (mauvais ?) compromis
2. Gouvernance
- Qui dépose ? Qui valide ? Quels droits pour chaque acteur ? Sans règles claires, on a la technologie, mais pas la confiance.
3. Acceptabilité réglementaire
- Aucun texte ne dit encore explicitement : “oui, une preuve blockchain CSRD suffit lors d’un audit”. Tout dépendra de la qualité de l’implémentation, du cadre partagé et de la crédibilité de l’écosystème déployé.
Pour réussir, il faudra impliquer entreprises, éditeurs, auditeurs et régulateurs dès le départ. La blockchain CSRD ne gagne en sens que si elle s’insère dans un écosystème partagé, avec des standards, des protocoles, des formations. Toutefois, des solutions de certification, à travers des empreintes numériques, fonctionnent déjà dans de nombreux secteurs.
Vers une nouvelle logique de preuve
La blockchain CSRD ne fait pas de la RSE à la place des entreprises. Mais elle permet de prouver ce qu’on affirme. Dans un monde où la donnée ESG est scrutée, auditée et régulée, la blockchain offre une promesse rare : une preuve garantie dès l’enregistrement.
Les organisations prêtes à intégrer cette techno dans leur stratégie de durabilité ne font pas que jouer le jeu de la conformité : elles posent un nouveau rapport à la confiance. Et ça, c’est plus qu’une question de tech. C’est une posture.