DAO : la révolution de la gouvernance

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Les organisations autonomes décentralisées (DAO) font partie des innovations de rupture apportées par la blockchain. De nombreuses sont déjà en fonctionnement, particulièrement dans le monde de la finance décentralisée (DeFi). Surtout, elles transforment les modes de fonctionnement et de gouvernance traditionnels. Elles incarnent donc le renouveau théorique de la démocratie. Mais elles posent aussi de nombreuses questions en matière de réglementation notamment.

Au fil des années, la technologie blockchain a permis l’émergence de concepts, outils et fonctionnalités diverses. Ce fut le cas dans le financement (ICO, STO, IDO, etc.), avec les NFT (Non Fungible Tokens) ou actuellement avec l’essor des métavers.

Mais depuis 6 ans déjà, le concept de DAO (Decentralized Autonomous Organisation) a discrètement vu le jour. Et avec lui est apparue une révolution de la gouvernance.

Qu’est-ce qu’une DAO ?

L’histoire débute avec TheDAO

Tout commence en 2016, année de naissance d’un projet baptisé TheDAO. L’idée : rassembler de l’argent pour créer un fonds de capital-risque avec la cryptomonnaie Ether. Le succès est immédiat, mais inattendu : 12,7 millions d’Ether sont récoltés, soit environ 150M$ à l’époque. Ainsi, chaque participant obtenait un droit de vote afin de financer des projets. Avec bien sur l’opportunité de bénéfices si lesdits projets devenaient profitables.

Pour ce faire, l’équipe de Slock.It développe un smart contract de réception des fonds. Une faille est alors exploitée en juin 2016 par un attaquant (hacker). Elle lui permet de retirer 3,6 millions d’Ether, soit environ 70M$. La faille ne vient pas du réseau Ethereum en lui-même, mais bien du code utilisé sur la chaîne. Evidemment, TheDAO ne s’en remettra pas malgré diverses tentatives de solutions. Cet événement va même conduire à un « hard fork » d’Ethereum, et à la naissance d’Ethereum Classic.

L’histoire des DAO débute donc de la pire des manières.

DAO : concept général

Fonctionnement schématique d'une DAO (Organisation Autonome Décentralisée)
Fonctionnement schématique d’une DAO : du réglement au financement jusqu’au vote par les détenteurs de jetons de gouvernance.

Mais derrière TheDAO, il y a avant tout un concept, une idée révolutionnaire. Celle d’une organisation autour d’un mode de fonctionnement horizontal et non pas pyramidal ou vertical. Dans un tel système, toutes les règles sont inscrites sur une blockchain. C’est-à-dire que les membres ou participants se réunissent autour d’un ensemble commun, partagé et connu de tous. Peu importe qui ils sont et d’où ils viennent.

Ainsi, le fonctionnement est entièrement transparent, tout comme ceux qui y détiennent un droit de vote. Chaque proposition est soumise à la communauté qui vote et prend des décisions de la manière la plus démocratique qui soit. Ces décisions seront ensuite appliquées automatiquement via des smart-contracts intégrés au protocole.

La gouvernance entière est donc chamboulée par rapport à ce que l’on connait aujourd’hui. Terminées les réunions, les convocations d’associés, exceptionnelles ou non. N’importe qui peut soumettre une idée à tout moment : c’est la communauté qui statuera dans les conditions définies.

Pour ce faire, ce sont les détenteurs d’un jeton (token) de gouvernance qui entrent en jeu. C’est la condition sine qua non pour faire partie d’une DAO : en détenir le cryptoactif associé. La règle générale veut que 1 jeton = 1 droit de vote. Ce qui est certainement appelé à évoluer.

Différences avec un modèle d’entreprise

On pourrait alors dire qu’au même titre qu’une action vaut une voix, un jeton vaut un vote. Un token de gouvernance serait alors proche d’une action ou d’une part sociale. Toutefois, outre les différences de qualification juridique, il existe aussi des différences quasi philosophiques.

Comme expliqué ci-dessus, une DAO n’est pas une organisation pyramidale. Aucun actionnaire ne convoque une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire. Chacun est libre de soumettre une proposition. De plus, la transparence du modèle induit que le registre est consultable par tous. Si une personne détient une part significative des jetons, pouvant donc influer fortement sur un vote, chacun est libre de prendre ses propres mesures.

Ainsi, la notion de mandat n’existe pas à travers une DAO, qui repose sur les mêmes règles pour tous. Tout comme la pseudonymisation balaye les problèmes de discrimination. Seul l’intérêt du protocole compte alors, et les propositions de la communauté sont analysées de manière impartiale par chacun.

Cela ne veut pas dire que les DAO sont exemptes de toutes problématiques. En effet, suivant la répartition des jetons, les petits porteurs pourraient n’avoir qu’une influence très limitée. D’autre part, l’échange étant permissif, rien n’exclut par exemple un rachat ponctuel de droits de votes par une seule entité afin de peser sur telle ou telle décision. Toutefois, les possibilités presque sans limite de la programmation des smart contract permettront certainement d’outrepasser, à l’avenir, ces problématiques.

Les différents types de démocratie DAO
Source : Horizen.io

3 avantages concrets des DAO

1. Transparence : une DAO reposant sur un protocole public est ouverte par nature. Ainsi, tout le monde peut en vérifier l’historique et la constitution à tout moment. La transparence permet de vérifier que tout est fait pour atteindre cet objectif. Mais rien ni personne ne peut garantir l’atteinte de l’objectif final d’une DAO ;
2. Décentralisation : elle permet l’organisation de la gouvernance horizontale. C’est-à-dire que chacun, n’importe où et peu importe qui il est, peut participer à tout moment ;
3. Indépendance : on parle de « trustless » comme qualificatif de l’environnement d’une DAO. Elle réunit des personnes autour d’un projet commun dont les règles sont connues et validées par tous. C’est aussi la garantie de l’indépendance et d’une organisation qui fonctionne en permanence, dotée d’une certaine imperméabilité aux événements extérieurs.

Pourquoi avoir recours à une DAO ?

Fonctionnement classique d’une DAO

Dans une entreprise, si plus personne ne travaille, alors tout s’arrête. Théoriquement, ce n’est pas le cas d’une DAO. C’est dû au mécanisme de fonctionnement intrinsèque puisque tout repose sur des programmes informatiques ; « code is law » disent les informaticiens.

Le but étant que l’application se mette à jour seule, en fonction des décisions de la communauté. Concrètement, une décision suivie d’un vote peut être analysée par le smart contract et implémentée quasi immédiatement.

C’est pourquoi même si plus personne ne travaille, gère ou supervise le système, il poursuit son fonctionnement sur la base des règles établies en amont.

Transparence et imperméabilité

Le fonctionnement automatisé de la DAO en fait un système que l’on pourrait décrire de silo. C’est-à-dire qu’il est résolument seul, ce qui peut être un atout ou un défaut selon ce que l’on souhaite. Par exemple, cette mécanique en fait donc un système imperméable, notamment aux événements extérieurs au monde de la DAO. Positif ou non, aucun événement (politique, financier, structurel) ne peut théoriquement entraver son fonctionnement.

Autre exemple : on ne peut pas revenir en arrière. Ainsi, si une personne ou un groupe de personne n’est pas satisfait d’une décision de la communauté, elle ne peut rien y faire. Sauf à déposer une requête et à renouveler un vote.

Ukraine DAO pour soutenir les ukrainiens pendant la guerre
Ukraine DAO permet de soutenir directement les ukrainiens souffrant de la guerre.

Exemples de DAO

Ukraine DAO : dans l’actualité, elle a été lancée afin de « soutenir les ukrainiens qui souffrent de la guerre » ;
AssangeDAO : elle est destinée à « libérer » Julian Assange (Wikileaks) et gouvernée par les détenteurs du token $Justice ;
• DAO dans la DeFi (finance décentralisée) : Aave, Convex Finance, StakeDAO, Uniswap, etc.

Les DAO en France : une approche juridique

Les grands enjeux des DAO

Les DAO sont encore souvent perçues comme une innovation au stade quasi embryonnaire, même si de nombreux projets fonctionnent actuellement. Toutefois, leur potentiel est assez énorme, ne serait-ce que pour les organisations, les associations, etc.

Aussi les enjeux derrière ces organisations sont nombreux. A commencer par le fait que derrière les DAO, on retrouve des techniciens, mathématiciens, informaticiens, etc., aux compétences souvent rares, pointues et recherchées. Attirer et conserver ces talents en France serait une aubaine pour le territoire et le rayonnement français et européen !

Mais l’autre enjeu (de taille !) est la capacité d’attraction et d’installation de ces projets sur notre sol. En d’autres termes, une adaptation juridique et souhaitable et souhaitée, afin de les accueillir de la meilleure manière.

Quels droits pour les DAO et leurs jetons ?

« L’essor d’entités décentralisées impose un changement de paradigme dans la réglementation des acteurs économiques », écrit le député Pierre Person dans un rapport parlementaire remis le 8 juin 2022.

La problématique réglementaire et juridique est double au sujet des DAO. D’abord, elle concerne les jetons de gouvernance et leur qualification qui ne sont pas des titres de propriété mais confèrent des droits politiques. Toutefois on peut ajouter une nuance : certains de ces jetons donnent aussi accès à des récompenses financières. Aussi la qualification du jeton est complexe car elle réside dans sa nature (droit de vote, dividende, récompenses, etc.), sans oublier que la nature peut évoluer au fil du temps. On lit d’ailleurs dans le rapport Person que les jetons peuvent donc être assimilés à des utility tokens ou des security tokens, les deux ou ni l’un ni l’autre !

D’autre part, c’est la réglementation qui doit être adaptée aux DAO, notamment sur la notion de personnalité juridique et « numérique ». Actuellement, certaines DAO optent pour des formes classiques. Il peut s’agir du statut de la Fondation, de l’Association loi 1901 voire de la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif).

La proposition du député Pierre Person

Ce qui est certain c’est que l’essor des DAO ne sera favorisé qu’à travers un cadre clair. Pour cela, l’innovation juridique et le respect du droit positif français est nécessaire. Doit-on passer par des contraintes, comme des obligations d’audit du protocole ou la divulgation de l’identité des parties prenantes par exemple ? Peut-être, même si signifierait une certaine rupture avec l’essence même de la DAO et de la décentralisation.

Le député Pierre Person formule en tout cas une proposition concrète dans son rapport :

Proposition 22 : (i) Permettre aux DAO d’obtenir la personnalité juridique afin de reconnaitre leur existence juridique et leurs donner le pouvoir de nouer des relations contractuelles à l’instar d’autres personnes morales. (ii) Développer un cadre réglementaire afin prendre en compte leur gouvernance, d’assurer leur stabilité financière notamment afin de protéger leurs membres et de garantir leur sécurité informatique.

Source

Kleros : le tribunal décentralisé

Résoudre les litiges de manière décentralisée : tel est l’objet de Kleros.io, qui se veut une sorte de chambre d’arbitrage pour les dApps (applications décentralisées). Kleros fait donc appel à la communauté, qui sont les détenteurs du jeton $PNK. Ces derniers sont rémunérés par les parties. Ils rendent des avis sur des litiges et ceux ayant rendu une décision minoritaire perdent une partie de leurs jetons PNK, au profit des arbitres majoritaires. Kleros se pose donc comme un « juge indépendant-as-a-service » pour les projets Web3.

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