Comprendre la Tokenisation

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Blockchain, Bitcoin, Initial Coin Offerings (ICO) … Tout le monde en parle. En effet, la technologie de la blockchain s’est démocratisée et joue un rôle de plus en plus important dans la finance, mais également dans d’autres domaines tels que l’immobilier, l’industrie ou encore le secteur de l’art. Au-delà de son utilisation principale au profit des cryptomonnaies, la blockchain s’impose désormais comme un outil au service des professionnels et des chefs d’entreprise. Cette technologie est également devenue le pilier d’un mouvement encore tout récent : la tokenisation.

La tokenisation, c’est quoi ?

Pour comprendre le processus de tokenisation et ses différents enjeux dans le monde des affaires, il est nécessaire de définir ce qu’est un token. Un « token », ou jeton en français, est un actif numérique émis et échangeable sur une blockchain.

A travers la loi PACTE du 22 mai 2019, le législateur français a introduit une définition du jeton comme étant tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. Il est important de souligner que la détention d’un token implique l’octroi d’un droit.

Le token s’appuie sur la technologie de la blockchain, aussi appelée « dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) », qui s’apparente à un registre numérique et qui permet de stocker l’intégralité des transactions entre les personnes appartenant au réseau. Il s’agit d’une immense base de données dont l’objectif est de supprimer les organes de contrôle mais également les intermédiaires (tiers de confiance comme une banque). La blockchain est une technologie offrant une grande sécurité puisque les transactions inscrites sur celle-ci ne sont ni modifiables, ni annulables. Le registre est donc infalsifiable et incorruptible, garantissant une forte confiance dans les données inscrites.

L’une des particularités de ce jeton numérique est qu’il n’a de la valeur que dans le système dans lequel il est utilisé. Un jeton « Uber », par exemple, pourrait être utilisé pour payer un trajet avec une voiture Uber. Mais pas pour autre chose, comme faire ses courses ou acheter des services. Une personne peut échanger de la monnaie réelle, ou monnaie « fiat » (euro, dollar, yen …), contre des jetons qu’elle pourra utiliser uniquement lors de trajets Uber. Et si elle souhaite utiliser le jeton Uber pour acheter un autre produit ou un service, elle doit d’abord l’échanger contre de la monnaie « fiat ».

Une autre particularité du token est que sa fonction est définie par son créateur. En effet, le token n’a pas une utilité prédéterminée et unique, c’est au créateur de le personnaliser et de lui affecter un usage selon ses besoins. Par exemple, il peut décider de créer un token qui permettra à son détenteur de bénéficier d’une réduction ou qui correspondra à un contrat dématérialisé.

On distingue traditionnellement deux types de token :

Utility Token

Il permet à son détenteur de pouvoir accéder aux futurs produits ou services d’une entreprise. Ces jetons représentent donc un droit d’usage futur. Une fois achetés, les jetons peuvent s’échanger sur un marché secondaire et il y a alors la possibilité de réaliser un profit.

Security Token

Il s’agit d’une participation à des biens physiques, sources de revenus, sociétés, intérêts ou dividendes. Par exemple, une prise de parts de capital dans une entreprise, une part de propriété dans l’achat d’un appartement, etc.

Les Security tokens sont des actifs présentant des caractéristiques similaires à des instruments financiers. Ainsi, si on achète une version « tokenisée » d’une action, et donc un Security Token, on acquiert les mêmes droits que ceux que l’on obtiendrait en achetant une action via un courtier en valeur mobilière traditionnel.

En parallèle, d’autres types de token commencent à se développer, comme les tokens de preuve, les tokens de réputation ou encore les tokens de fidélité.

Mais concrètement, qu’est-ce que la « tokenisation » ? Prenons un exemple : une société commercialise des bouteilles de vin de haut standing et dont les prix sont très élevés. La société souhaite trouver un moyen facile de diviser son stock de vin et d’en vendre de petits morceaux à un certain nombre de clients. La société peut alors opter pour la tokenisation, c’est-à-dire émettre des jetons numériques représentant des titres de propriétés sur ces vins. Ainsi, il devient possible d’acheter une fraction d’une bouteille de vin et d’assister à une éventuelle augmentation de sa valeur, sans pour autant devoir prendre livraison de la bouteille elle-même. De plus, le jeton acquis peut par la suite être revendu ou échangé. Le mécanisme de tokenisation rend les parts de propriété fractionnables à l’infini et permet donc aux investisseurs d’investir des petits montants.

Finalement, la « tokenisation » est le fait de représenter, sous la forme d’un token émis par une blockchain, une valeur qui existe dans le monde traditionnel : de l’or, de l’argent, un brevet, un immeuble, une œuvre d’art, les actions d’une société. L’intérêt majeur de la tokenisation est de pouvoir rendre liquides des valeurs qui ne le sont pas ou très peu, comme les immeubles.

À ce titre, la tokenisation possède de nombreux avantages, tant pour les particuliers que pour les professionnels.

  • Démocratisation de l’investissement

Elle permet d’investir plus facilement sur une diversité de produits financiers (possibilité d’investir des petits montants directement à partir de nos téléphones.) Les investisseurs de n’importe où dans le monde peuvent participer , et à tout moment.

  • Réduction des délais et des coûts de transactions :

L’absence d’intermédiaire et la décentralisation du processus permet de réduire considérablement les coûts. Des opérations qui pouvaient prendre plusieurs heures voire plusieurs jours peuvent désormais être effectuées en quelques secondes, permettant un gain de temps et d’argent.

  • Fractionnement des actifs :

Cette segmentation permet de ne posséder qu’une partie d’un actif. Sur des marchés traditionnellement peu liquides, comme l’immobilier ou les œuvres d’art, cette technologie peut aider les vendeurs à trouver plus facilement des acheteurs.

  • Confiance et transparence renforcée :

Il s’agit du point fort de la blockchain puisque tout le monde peut voir à tout moment les transactions effectuées sur celle-ci. Cette technologie s’appuie sur un registre incorruptible et offre ainsi une grande sécurité.

Les tokens appliqués

L’utilisation des token s’est largement démocratisée ces dernières années. Le développement des cryptomonnaies a permis d’innover dans de nombreux domaines et de créer de nouveaux outils aux services des entreprises et des professionnels.

Token et financement

Une nouvelle forme de levée de fonds effectuée en cryptomonnaies est apparue : les Initial Coin Offerings (ICO). Les ICO ressemblent fortement aux Initial Public Offerings (IPO), dans lesquelles une société émet des titres en échange de monnaie courante (dollar, yen…). Mais dans l’ICO, la société qui lève des fonds va émettre des tokens en échange de monnaie virtuelle, comme le Bitcoin ou l’Ethereum. Ces levées de fonds en cryptomonnaies peuvent être un excellent moyen de financement pour une start-up.

L’ICO, ce moyen inédit de levée des fonds, se démarque par ses nombreux atouts : une mobilisation plus rapide et à moindre coût du capital, une diffusion auprès d’investisseurs du monde entier et ce sans discrimination, la liquidité des tokens qui peuvent être facilement échangés, etc.

Désormais, de nombreux projets se financent eux-mêmes grâce aux ICO. Par exemple, en 2017, le projet Gnosis (plateforme de marché prédictif) a levé l’équivalent de 12 millions de dollars en 12 minutes.

Token et immobilier

Le secteur de l’immobilier a également été frappé par le processus de tokenisation. Dans ce domaine, la tokenisation consiste généralement en la représentation par un jeton de la propriété totale ou partielle d’un bien immobilier.

En 2019, un hôtel particulier situé à Boulogne-Billancourt est devenu le premier immeuble européen détenu et acheté via une transaction blockchain. Les parts de cet hôtel ont été converties en tokens et acquises par deux promoteurs. Contrairement à une opération de vente classique, les droits afférant à la propriété de la société qui détient l’immeuble ont été entièrement codés dans la blockchain. Tous les droits et actes traditionnels d’un acte de vente sont ainsi numérisés, enregistrés et chiffrés dans la blockchain. Mais quels sont les atouts d’une telle opération ?

– Une opération sécurisée : les renseignements inscrits dans la blockchain sont certifiés, infalsifiables et en accès permanent. Elle permet de stocker l’information de façon transparente et sécurisée, garantissant la propriété du bien en question.

– Une opération simplifiée : les parts de propriété étant fractionnables à l’infini grâce au processus de tokenisation, il est possible d’investir des petits montants et ainsi faciliter l’investissement.

Au-delà de la tokenisation de la propriété d’un bien immobilier ou d’une fraction de cette propriété, il est également possible de tokéniser des revenus fonciers (loyers) ou encore des parts de fonds d’investissement.

Token et programme de fidélité

La blockchain est un support très prisé par les entreprises pour la gestion des points de fidélité. Ces points prennent alors la forme de tokens et permettent à leurs détenteurs d’accéder à un service, comme une réduction ou une prestation offerte à partir d’un certain nombre de tokens accumulés. Ces jetons ne peuvent être utilisés que dans le programme de fidélité défini par l’entreprise.

Par exemple, en Russie, la chaîne de fastfood BurgerKing a lancé sa propre cryptomonnaie, le WhopperCoin, dans le cadre de son programme de fidélité. Pour chaque Whopper acheté, le client bénéficiera d’un WhopperCoin transféré sur son portefeuille en cryptomonnaies. A partir d’un certain nombre de WhopperCoin, les clients pourront échanger leurs jetons contre des hamburgers.

Une entreprise peut donc utiliser les tokens pour fidéliser ses clients et les inciter à revenir consommer.

Les tokenomics ou l’économie des jetons

La tokenomics, un mélange entre « Token » et « Economics », soit économie des jetons, désigne l’étude du fonctionnement des cryptomonnaies (création, suppression, gestion et mécanismes de fonctionnement). La tokenomics étudie donc tout ce qui a un impact sur la valeur d’une crypto-monnaie.

La tokenomics est essentielle lorsque l’on souhaite investir dans les actifs numériques puisqu’elle va permettre d’évaluer les qualités et le potentiel de la cryptomonnaie en question. Cette étude est encore plus primordiale lorsque l’on souhaite monter un projet, notamment une ICO : quel type de jeton choisir ? quelle sera son utilité ?

Pour comprendre la tokenomics, il faut tout d’abord distinguer différentes notions :

Mining ou le minage

L’activité de minage de cryptomonnaies est fondamentale puisqu’elle consiste à enregistrer des transactions sur une blockchain, et ainsi vérifier et sécuriser lesdites transactions. Les mineurs participent directement au bon fonctionnement de la blockchain en faisant fonctionner le réseau et en le sécurisant. Afin de réaliser sa mission, le mineur doit résoudre un calcul très complexe et trouver un code composé de chiffres et de lettres, appelé un « hash ». Mais une fois ce calcul résolu, la transaction est validée et le mineur est récompensé par l’émission de la cryptomonnaie en question. Autrement dit, le mineur, lorsqu’il a résolu l’énigme perçoit de la cryptomonnaie en contrepartie.

La rémunération en cryptomonnaie a d’ailleurs fait émerger de nombreuses sociétés de minages en cryptomonnaies, spécialisées dans ce domaine.

Staking ou le jalonnement

Le staking est une alternative au minage et désigne le processus de rétention et de verrouillage de fonds dans un portefeuille crypto pour assister les opérations d’un réseau blockchain. Dans ce processus, les détenteurs de cryptomonnaies gagnent des récompenses, et ce de manière passive, en renonçant à déplacer leurs actifs numériques pendant un certain laps de temps. Autrement dit, cela consiste à bloquer une quantité d’une crypto-monnaie afin de recevoir des récompenses, comparables à des intérêts ou dividendes.

Les systèmes de staking et de minage sont étroitement liés. En effet, ils permettent tous les deux de recevoir de la cryptomonnaie en échange d’une participation au bon fonctionnement de la blockchain.

Total supply ou l’offre totale

Elle fait référence au nombre de jetons qui existent actuellement et sont soit en circulation, soit « verrouillés » (tokens détenus dans le cadre d’une période de blocage ou d’acquisition par exemple). Ce sont donc les jetons disponibles sur le marché, moins le total des pièces qui ont été définitivement détruites.

Maximum supply ou l’offre maximum

Elle représente la quantité maximale de jetons pouvant être émis par le fonctionnement de la blockchain, c’est-à-dire la quantité maximale de tokens qui existera au cours de la vie de la crypto-monnaie.

Par exemple, le Bitcoin a une offre maximale de 21 millions de tokens. Tandis que pour l’Etheurem, l’offre totale de jetons n’est pas fixe. On parle alors d’unlimited supply, ou d’offre illimitée.

Le système d’émission de jetons (offre limitée ou illimitée) impacte, plus ou moins directement, la valeur de la cryptomonnaie mais également la rémunération des « mineurs ». Par exemple, pour ce qui est du Bitcoin, on assiste au Halving, un évènement survenant tous les 4 ans et qui consiste en la division par deux de la quantité de Bitcoin émise par la blockchain pour chaque bloc créé. Ainsi, en 2009, les mineurs de Bitcoin recevaient 50 BTC par bloc créé, alors qu’en 2013 ils n’en touchaient plus que 25.

La valeur d’un token dépend donc de plusieurs facteurs qu’il convient de prendre en compte avant tout investissement. Si vous souhaitez tokéniser un projet interne ou réaliser une ICO, tous ces éléments, que ce soient les différents aspects de votre projet (plan d’affaires, marché potentiel, etc) ou l’utilité donnée au jeton, seront également à déterminer.

Notre équipe d’experts juridiques en nouvelles technologies et blockchain du cabinet d’avocat Bruzzo-Dubucq se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, vous éclaircir sur la complexité de ces questions et vous accompagner dans les aspects juridiques et économiques de votre transition vers la tokenisation

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